Présidentielle 2007 : Qui sera élu ? (1/2)

Publié le par Olivier CAMPS-VAQUER

Toute la vie politique nationale est désormais tendue vers la 8ème grande échéance présidentielle de la Vème République (dans moins de 500 jours !). Le "microcosme" bruisse déjà des noms brillants qui occupent le devant de la scène : SARKOZY, ROYAL, VILLEPIN, STRAUSS-KAHN, VILLIERS, FABIUS, ALLIOT-MARIE, LANG (et j'en oublie !) à travers sondages, reportages, commentaires, panégyriques, hagiographies, propagandes de toutes sortes dont on nous abreuve continuellement.

Et pourtant, dans ce déluge médiatique, on oublie le plus souvent de citer les noms des 2 personnalités essentielles dont l'irruption soudaine dans la course présidentielle bouleverserait ( et sans doute bouleversera !) tous les calculs des uns et des autres. Pour tout dire, 2 personnes que l'on a peut-être enterrées un peu trop vite !

Pour bien comprendre ce qui va se passer, il faut décrypter la façon dont le Peuple français s'est comporté lors des 7 précédentes élections présidentielles au suffrage universel direct de la Vème République. Certes, tout peut toujours changer, rien n'est jamais figé. Cependant, le corps électoral semble avoir fixé au fil du temps des règles non écrites propres à l'élection présidentielle dont l'application provoque bien des surprises quand on fait semblant de les ignorer.

Rappelons les quelques traits saillants du portrait-type de la "stature présidentielle", indispensables pour être élu (A), avant d'examiner la situation particulière de chacune des deux seules personnes correspondant aujourd'hui à ce portrait-type (B).

A - Le portrait-type de la "stature présidentielle"

3 mots à retenir pour 3 traits saillants de la "stature présidentielle" : ancienneté, rassemblement, distance.

1°) 1er trait saillant : un engagement ancien dans la course présidentielle, c'est-à-dire depuis plusieurs années. Il faut presque que le futur Président fasse déjà partie de l'Histoire du pays. Les Français, quoiqu'on en dise, n'élisent pas les candidats nouveaux et pressés. C'est dans le temps que se tisse le processus progressif de découverte mutuelle du candidat avec le Pays profond.

A cet égard, le Président sortant, lorsqu'il se porte candidat pour un nouveau mandat, dispose d'une prime qui lui assure presque toujours la réélection. Prime au sortant, légitimité (et légitimisme !) oblige ! Un peu comme si le Président de la République était une sorte de roi, un "monarque républicain" dont seule la non-candidature pour un nouveau mandat vaudrait abdication. Lorsque le Général de Gaulle s'est présenté en 1965, il fut réélu. Lorsque François MITTERRAND s'est représenté en 1988, il fut réélu. Lorsque Jacques CHIRAC s'est représenté en 2002, il fut réélu. Une seule exception : Valéry GISCARD D'ESTAING, battu en 1981, cas particulier dont nous reparlerons.

A défaut d'être déjà Président, il est préférable, pour être élu, que l'impétrant ait déjà été candidat au moins 2 fois (dont au moins 1 au 2ème tour). Lorsque François MITTERRAND fut élu en 1981, il avait déjà été candidat malheureux en 1965 et en 1974, et les 2 fois au 2ème tour (16 ans d'écart entre sa 1ère candidature et son élection !). Lorsque Jacques CHIRAC fut élu en 1995, il avait déjà été battu en 1981 et en 1988 (1 fois au 2ème tour en 1988) (14 ans d'écart entre sa 1ère candidature et son élection). Et peu importe l'image de "loser "que ces défaites successives impriment à ces candidats malheureux. Les Français aiment et récompensent les perdants qui s'obstinent.

Vous me direz : Georges POMPIDOU en 1969 et Valéry GISCARD D'ESTAING en 1974 furent élus sans avoir jamais été candidats auparavant ! Ce sont des cas particuliers où l'élection présidentielle fut anticipée suite à un événement exceptionnel du type "démission" (comme en 1969) ou "décès" (comme en 1974) du Président en exercice. Dans ces circonstances exceptionnelles, la brève campagne qui suit favorise la ou les personnalité(s) dominante(s) de la période précédente. Le Président élu dans ces conditions est donc une personnalité ayant gouverné ou participé au Gouvernement dans un passé très proche. Georges Pompidou avait dominé la gestion des événements de mai 1968 en tant que Premier Ministre : rien d'étonnant à ce qu'il fût élu à la Présidence en 1969 suite à la démission du Général De Gaulle (même s'il n'était plus en fonction au moment de l'élection). Valéry Giscard d'Estaing était Ministre de l'Economie et des Finances lors du premier choc pétrolier qui se traduisit, en 1973, par un quadruplement des prix du pétrole et un énorme bouleversement économique : il fut élu l'année suivante en 1974 suite au brusque décès de Georges Pompidou. 

Hors le cas particulier d'une élection anticipée, qu'on se le dise : l'élection présidentielle est une course de fond qui se joue sur le long terme ! 

2°) 2ème trait saillant : tout un camp rassemblé autour du futur président.

Dans le cadre des institutions de la Vème République, la vie politique s'ordonne naturellement autour du Président de la République sur le mode bipolaire. La Majorité présidentielle s'identifie facilement à la personne du Président et, le cas échéant, à sa candidature pour un éventuel nouveau mandat. Donc, a priori, pas une voix de sa Majorité ne devrait manquer au tenant du titre quand il se représente ! 

Rassembler son camp, pour les autres candidats, cela signifie principalement maîtriser l'appareil du parti dominant de son camp. C'était le cas de François MITTERRAND avec le Parti Socialiste en 1981 et a fortiori en 1988. C'était le cas de Jacques CHIRAC en 1995 et en 2002 avec le RPR. Pourtant, d'autres personnalités semblaient à chaque fois pouvoir éclipser chacun de ces 2 futurs présidents. Michel ROCARD, au début des années 80, semblait plus moderne et même plus populaire que François MITTERRAND. Mais sans l'appareil du PS, il ne pouvait rien. Edouard BALLADUR, apôtre de la culture du conscensus, que tous les sondages donnaient archigagnants à quelques mois seulement de l'élection de 1995, dut finalement s'incliner devant celui qui était encore Président du RPR. 

Rassembler son camp, cela peut signifier aussi la conduite d'un habile jeu d'alliances. Ce fut le cas de Valéry GISCARD D'ESTAING en 1974 qui, issu d'une formation minoritaire de la droite, ne dut son salut qu'à "l'Appel des 43" lancé par Jacques CHIRAC, qui lui assura le soutien d'une grande partie des troupes de l'UDR (Parti gaulliste de l'époque) au détriment de Jacques CHABAN-DELMAS. Et ce fut aussi, d'une certaine manière, le cas de Jacques CHIRAC en 2002, en raison d'un sursaut "anti-LE PEN" au 2ème tour.

3°) 3ème trait saillant : la prise de distance nécessaire 

Dans cette course de fond que constitue la course présidentielle, des périodes de retraite plus ou moins longues sont nécessaires, pendant lesquelles, loin des tourments de la brûlante actualité, loin aussi des "délices et poisons du pouvoir" (comme disait le Général de Gaulle), le candidat peut réfléchir, s'arrondir, voir plus loin, méditer et élargir son horizon y compris à l'échelle internationale. Et il n'est pas indifférent que cette retraite ait pu avoir lieu jusqu'à peu de temps avant l'élection décisive.

Georges POMPIDOU avait démissionné de son poste de Premier Ministre en 1968 avant d'être élu l'année suivante. François MITTERRAND avait connu plusieurs périodes de retraite avant son élection de 1981. Rappelons simplement qu'il ne fut même pas candidat à l'élection présidentielle de 1969...1 an après Mai 68 et que, de toute façon, de 1958 à 1981, il était dans l'opposition ! Quant à Jacques CHIRAC, il s'était volontairement mis en réserve de la République après le raz-de-marée de droite aux législatives de 1993, précisément pour préparer l'échéance présidentielle de 1995 (Qu'on se rappelle la litanie de la marionnette de Jacques CHIRAC dans les Guignols de l'Info de cette époque : "Mon boulot de dans 2 ans !")

Remarquons au passage que l'exigence de cette prise de distance interdit pratiquement l'élection d'un Premier Ministre ou même d'un Ministre en exercice. Tout Premier Ministre qui se respecte doit savoir que son rôle de fusible et de bouc-émissaire exposé à toutes les critiques est parfaitement incompatible avec une candidature victorieuse à la Présidence.  En 1988, Jacques CHIRAC, Premier Ministre, fut battu, de même qu'Edouard BALLADUR en 1995 et Lionel JOSPIN en 2002. Seul Valéry GISCARD D'ESTAING, Ministre de l'Economie et des Finances, y parvint en 1974, mais c'était le cas particulier d'une élection anticipée (voir ci-dessus).

Enfin, là encore, l'exercice de la fonction de Président de la République confère une certaine hauteur valant prise de distance. Ce trait est accentué lorsque l'on sort d'une période de cohabitation.

A ce jour, le tryptique "ancienneté-rassemblement-distance" n'est l'apanage que de 2 personnes, très peu citées dans les médias actuellement. A moins d'un coup de théâtre, l'une de ces 2 personnes sera vraisemblablement élue l'an prochain.

Reste à décliner la situation particulière de chacune de ces 2 personnes au regard de l'élection de 2007.

Olivier CAMPS-VAQUER

Publié dans Politique nationale

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J
Ne penses-tu pas avec un tel article surfer sur la vague de la politique politicienne: celle qui privilégie les luttes de pouvoirs au sommet plutôt que le combat des idées pour résoudre concrètement les problèmes?Je ne nie pas l'importance de la conviction et du charisme du politique qui doit concrétiser les idées qu'il porte. Mais personnaliser par trop le politique, c'est favoriser le dirigisme des notables. N'est-ce pas un des principaux maux français? N'est-ce pas à Colombes ce qui fait la continuité entre l'équipe municipale actuelle et celle qui l'a précédée?
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O
La personnalisation du pouvoir est quasiment inscrite dans nos institutions. Le système représentatif inclut cette dimension. L'élection de Président de la République au suffrage universel direct depuis 1962 a évidemment accentué cette tendance. Et puis, à partir du moment où il y a des élections libres, c'est inévitable et humain ! On peut être pour ou contre mais c'est un fait. Il y a donc des règles du jeu qui ne laissent pas beaucoup de place pour les idées. C'est dommage mais c'est comme ça !<br /> Pour aller plus loin, notre système d'informations n'est fait que d'images, de symboles, d'apparences qui se superposent. A propos des candidats, on s'intéresse davantage à leur look, à leur vie privée et à leurs petites phrases qu'à leurs idées. On surestime la forme au détriment du fond. Et puis, les politiques se "people-isent" ! Comme toi sans doute, je trouve ça consternant mais c'est comme ça !<br /> Quant au dirigisme des notables, il ne peut avoir de limites que par la mise en place de contre-pouvoirs. La liberté d'information, d'opinion et d'expression des citoyens est à cet égard un puissant levier tant au plan national qu'au plan local. Mais ne tombons pas dans l'excès inverse qui serait la paralysie des gouvernants.<br /> Ceci étant dit, rien ne nous empêche de faire revivre le débat d'idées et le Net est un merveilleux outil pour ça, n'est-ce-pas ? <br /> Olivier CAMPS-VAQUER