Le moteur et le volant

Publié le par Olivier CAMPS-VAQUER

COMMENTAIRE de Christian DON sur le blog de DENIS BUTAYE
 
Messieurs, à ce sujet, vous trouverez ci-après un extrait du discours de F. Bayrou, lors du dernier Congrès Extraordinaire de l'UDF :
"L'économie libérale a fait ses preuves en matière de création de richesses, d'augmentation presque exponentielle de la richesse de certains pays et de certains individus. Cela crée davantage, mais il est très important de remettre les choses à leur place. Le modèle libéral, pour parler comme si nous avions une voiture devant nous, c'est le meilleur moteur. C'est le moteur qui développe le plus de chevaux. C'est le moteur le plus puissant en matière d'énergie. On aurait grand tort de s'en priver, mais la seule chose qu'on n'ait pas le droit de confondre, dans une voiture, c’est le moteur et le volant.
L'énergie de l'économie doit être au service d'un projet de société qui doit être défini non pas par l'économie, mais par la politique, non pas par l'économique mais par la démocratie. Autrement, si l'on confond moteur et le volant, si on laisse gouverner la voiture par le moteur, comme vous le savez bien, c'est le dérapage qui est assuré et forcément, la sortie de route, et c'est à cette sortie de route que nous sommes.
Nous avons donc deux devoirs : débrider le moteur pour qu'il développe le plein d'énergie et assurer le volant. Il y a donc des questions pour débrider le moteur, des questions de fiscalité simples et justes, non dissuasives, mais nous avons à bâtir les valeurs d'un projet de société qui ne se résume pas à la réussite économique qui est créatrice, nous le savons, de trop d'injustice et de trop d'inégalité."
Commentaire n° 15 posté par: Christian DON(site web) le 15/02/2006 - 17:52:02
 
Réponse d'Olivier CAMPS-VAQUER sur le blog de Denis BUTAYE
 
Cher Christian,
Merci pour ton intervention qui pose le problème de la compréhension du libéralisme dans l'opinion.
A travers la métaphore automobile de François BAYROU, je retiens :
- le modèle libéral est le meilleur pour créer de la richesse (l'énergie) ;
- le modèle libéral est créateur de "trop d'injustice et de trop d'inégalité."
- l'ordre politique démocratique (le volant) est supérieur à l'ordre économique (l'énergie)pour fonder un projet de société juste et corriger les effets injustes produits par l'économie libérale pure (hypothèse de la "sortie de route").
On retrouve le discours-type dit de la "3ème voie" : entre l'enfer communiste et la loi de la jungle libérale,la 3ème voie sociale-démocrate.
1°) Tout d'abord, une mise au point sur la situation française. En France, aujourd'hui, s'il y a "sortie de route", injustices et inégalités, ce n'est certainement pas à cause d'une politique libérale. Dans un pays où 60% du PIB est consacré à de la dépense publique, dans un pays où les pouvoirs publics sont omniprésents et, de surcroît, surendettés, on peut dire, pour reprendre la métaphore de François BAYROU, que le moteur est bridé et le volant très mal tenu.
2°)Dans l'idée libérale, il y a autant de voitures que d'individus. Chaque "individu-voiture" possède "son" moteur et "son" volant. C'est la liberté de chacun qui lui permet de donner le meilleur de lui-même et de l'échanger contre le meilleur des autres à travers le marché. C'est dire que le "débridement" du moteur est étroitement associé à l'idée que le conducteur sera le maître de sa direction. Ce n'est pas pour rien que l'économie libérale est la plus créatrice de richesses : c'est parce qu'elle respecte la liberté et la différence de chacun. Et chacun sera d'autant plus incité à créer de la richesse qu'il sera libre de disposer de ce qu'il obtiendra en échange selon un processus optimal. Oter le volant à chaque individu, c'est lui ôter son moteur. Les 2 sont liés. C'est en ce sens que le libéralisme est un humanisme et non un constructivisme.
3°) L'autre variante du discours fondant la supériorité de l'ordre politique sur l'ordre économique est la supériorité de l'intérêt général sur les intérêts particuliers. D'où la question : qui définit ce qu'est l'intérêt général ? Ma réponse est la suivante : ce sont ceux qui font croire aux autres qu'ils en sont les seuls garants. Mais en réalité, chaque individu est différent, a sa vision, ses préjugés, ses désirs, etc. Le marché fonde une société de droits et d'échanges contractuels librement consentis : il ne peut donc y avoir de privilèges dans une telle société. A partir du moment où quelqu'un prétend apporter, nécessairement par la force, des solutions que ne peuvent apporter l'échange contractuel, il fait prévaloir un mode autoritaire de gestion."Sa" définition de l'intérêt général ne sera en fait que l'expression de ses propres préjugés, de ses propres désirs, de ses propres intérêts (au sens large). Autrement dit, la notion d'"intérêt général" distincte des intérêts particuliers permet de substituer une gestion autoritaire sur une gestion contractuelle. Cette notion est porteuse d'absence de libertés, d'appauvrissement et d'inégalités (puisqu'elle fonde l'existence de privilèges). A la notion d'Etat, il faudrait préférer la notion d'"Hommes de l'Etat" faisant passer leurs intérêts particuliers pour l'intérêt général.
4°) Il ne faut pas confondre Etat et état de droit. Tout le jeu des "Hommes de l'Etat" a toujours consisté à confondre les 2 aux yeux de l'opinion. Or, l'Histoire démontre que l'état de droit existait bien avant l'Etat.
5°) Quant à la démocratie, elle ne sert pas, selon moi, à fonder un Etat ayant le droit majoritaire de supprimer des libertés. Elle ne sert qu'à désigner des représentants élus à la majorité pour gérer les intérêts communs comme un syndic dans une copropriété. La limite, et elle très importante (Une Constitution est faite pour cela), est de ne pas empiéter sur les droits fondamentaux (c'est-à-dire les libertés) des individus. C'est pourquoi notre Constitution débute par une Déclaration de Droits.
Conclusion : La vraie "sortie de route", c'est quand certains individus, les "Hommes de l'Etat", prétendent retirer le volant des mains de chacun des autres ! A mon sens, le vrai danger est là.
Pardon d'avoir été un peu long.
Bien à toi.

Olivier CAMPS-VAQUER
 
Commentaire n° 16 posté par: Olivier CAMPS-VAQUER(site web) le 17/02/2006 - 11:25:24

Publié dans Idées

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